Moment aveugle : de la photographie
Lorsque j’ai cadré mon image, et que j’appuie sur le déclencheur, qui s’appelle également obturateur, il y a un moment aveugle : Le rideau s’ouvre le temps de la vitesse d’obturation et se referme. Dans ce même laps de temps, le miroir qui me permet d’avoir l’image non inversée, vient se coller sous le dépoli momentanément .
Le dépoli est cette petite plaque, avec un quadrillage ou un stigmomètre, selon, qui me donne la surface de travail dans laquelle je regarde. Donc le miroir vient se coller sous le dépoli, me masquant ainsi la vue de cette surface dans le viseur.
Au moment même…
Au moment même où je déclenche l’image est entrain de se faire. C’est justement le moment où je ne la vois pas !
Extraordinaire, non ? Le temps orchestre tout cela, car ce moment aveugle dure le temps de la vitesse d’obturation.
La photographie est un art du rassemblement, c’est parce qu’il y a ce moment aveugle, que le photographe doit faire un travail d’anticipation, et une sorte de synchronisation de tout un ensemble de paramètres…
N’oubliez pas que je fais une différence entre faire une « photo-souvenir » et faire de la photographie. J’aime beaucoup la « photo-souvenir », elle est une sorte de mémoire collective et je cherche souvent des photos d’anonymes qui sortent des cartons des familles. Elles ont parfois images de l’allure ! Certaines sont drôles, d’autres émouvantes. Mais cela n’a évidemment rien à voir avec « faire de la photographie ».
C’est frustrant et porteur
Ce moment aveugle est incroyablement frustrant et porteur puisque l’image est entrain de se faire. Avec un film argentique, il faudra attendre de le développer pour voir « la tête que ça a ». Et encore, en image dont les teintes sont inversées. Donc tout ce qui est blanc est noir, et tout ce qui est noir est blanc, accompagné de tout le modulato des nuances de gris. En numérique, aussitôt faite aussitôt regardée au dos de l’appareil. Je me demande d’ailleurs toujours pourquoi cette précipitation à regarder. Évidemment c’est pour voir s’il y a du résultat et lequel. Enfin voir, c’est un bien grand mot, avoir une idée de « comment c’est »
De la patience
Personnellement, j’ai appris à apprivoiser ce moment aveugle. J’attends patiemment de pouvoir développer mon film, et j’en profite pour me concentrer au fur et à mesure des images que je fais.
Il y a même des cas où, avec mes élèves-photographes clairvoyants, je conseille de mettre un carton noir au dos de l’appareil numérique. Pour apprendre à ne pas se précipiter, pour apprendre à se concentrer, à garder en mémoire, à faire venir le regard et à faire monter le sujet.
Ce n’est pas parce que l’on est clairvoyant, qu’on y voit clair !
En tous cas, pas toujours, seulement parfois….
Images intérieures
Se concentrer dans ce moment aveugle pour faire venir le regard, le laisser se déployer. Car le regard ne vient que s’il est accompagné d’images intérieures. Nous travaillons la question des images intérieures en cours d’analyse d’images à l’Atelier. Parce que nous devons approfondir ce que nous voyons et ce que nous ressentons. Car ce que nous ressentons fait appel à des images intérieures profondes.
Retrouvons nous à la page Écouter les photographies. Osons ensemble arpenter le monde des images.
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